Brillante Mendoza est apparu il y a peu de temps comme un des réalisateurs majeurs du cinéma asiatique, aux côtés de cette jeune génération qui a imposé aux spectateurs du monde entier un nouveau regard cinématographique sur le monde. Avec sa caméra d’une mobilité extrême, et son mode de (dé)dramatisation très personnel, il a donné à la fiction une allure neuve, qui colle étrangement aux modes visuelles actuelles tout en remuant profondément le rapport des images au réel. Comme chez les grands néoréalistes, ou comme chez Jia Zangke aujourd’hui, l’intrigue est dans le contexte, et non dans les agissements des individus : elle est dans le monde et non dans le théâtre des ombres qui s’agitent. Ainsi Mendoza construit-il une œuvre extrêmement variée, au ton changeant, où la violence alterne avec l’observation amusée, en utilisant les moyens de son époque, mais avec l’ambition des plus grands cinéastes, et à l’ombre d’un compatriote (Lino Brocka) dont la notoriété avait déjà ouvert le cinéma philippin au regard des cinéphiles de tous horizons.
Iliac, un jeune philippin de 20 ans, travaille comme masseur dans un bordel à Manille. Ici, les relations sexuelles avec les clients sont la suite logique à une séance de massages torrides. Une nuit, la rencontre d’Iliac avec son premier client de la soirée va bouleverser sa vie…
« Est-ce que je veux filmer les classes moyennes ou riches des Philippines ? Non, ça ne m’intéresse pas parce que leurs histoires ne sont pas intéressantes. Il y a suffisamment de choses à raconter via les classes populaires. »
En pleine Semaine sainte commence la campagne pour les élections nationales. Dans cette ambiance particulière, un groupe hétéroclite de "tiradors" - voleurs à la petite semaine en argot local -, qui sévit dans le quartier des affaires très fréquenté de Quiapo à Manille, essaye de survivre tant bien que mal…
« Sommes-nous plus proches de l’humaniste du Voleur de bicyclette de De Sica ou des saynètes atroces des Monstres de Risi ? Tirador enregistre et reconstitue la confusion et la violence d’une microsociété qui essaie de survivre par tous les moyens. »
Dans un quartier pauvre de Manille, Thelma est chargée par un service social local d’élever des enfants abandonnés avant leur adoption officielle. Aujourd’hui, John John, le dernier enfant gardé par Thelma, doit être remis à ses parents adoptifs américains…
« Brillante Mendoza donne ici une leçon de cinéma. [Les] scènes lui permettent de suggérer l’écart entre riches et pauvres, la violence des rapports Nord-Sud, sans discours politiques, en usant du décor, des regards, de l’espace. »
Au coeur d’Angeles, aux Philippines, la famille Pineda a élu domicile dans un vieux cinéma qu’elle exploite et qui projette des films érotiques des années 70. Alors que tous les personnages vaquent à leurs occupations quotidiennes, on découvre les difficultés auxquelles ils se heurtent, qu’elles soient d’ordre relationnel, économique ou sexuel…
« Pénétrer là, dans la salle comme dans le film, c’est prendre le risque de ne jamais en ressortir vraiment. »
Peping, étudiant en criminologie, est recruté par un ancien camarade de classe pour des petits travaux au service d’un gang de Manille. Cette activité lui permet de faire vivre sa fiancée, étudiante elle-aussi, avant leur mariage. Mais pour ça, il lui faut plus d’argent. Abyong propose alors au jeune homme une "mission spéciale", très bien rémunérée…
« La barbarie de Kinatay impressionne surtout car elle n’a rien d’un accident dans la filmo organique de Mendoza. Elle s’inscrit avec une déconcertante aisance chez un cinéaste préoccupé par la marchandisation et réification des corps. »
A Manille, les destins de deux femmes âgées se croisent : Lola Sepa vient de perdre son petit-fils, tué d’un coup de couteau par un voleur de téléphone portable ; Lola Puring est la grand-mère du jeune assassin, en attente du procès …
« Deux femmes incarnent ici la résistance du peuple philippin. Deux grands-mères cahotantes, percluses d’arthrite, petites fourmis obstinées à sauver leur descendance et respecter leur mémoire (…) Tournant comme toujours caméra à l’épaule, imbibé par la fièvre de la rue, avec une inégalable dextérité, Brillante Mendoza signe une chronique d’une impressionnante humanité. »
Thérèse Bourgoine, une française qui travaille comme humanitaire bénévole pour une ONG sur l’île de Palawan aux Philippines, est kidnappée avec une autre bénévole philippine et une vingtaine de touristes étrangers par le groupe Abu Sayyaf, des musulmans terroristes qui se battent pour l’indépendance de l’île de Mindanao…
« Si l’on accepte le désordre qui règne de bout en bout, inhérent au sujet, Captive devient un film à la fois formidablement évocateur et d’une intelligence politique aiguë. »
Leçon de cinéma de Vincent Amiel sur Brillante Mendoza samedi 6 avril à 14h30 (entrée libre).
La séance sera ponctuée d’extraits de la leçon de cinéma de Brillante Mendoza qui a eu lieu au Forum des images à Paris le 2 décembre 2012.
Cité du livre 8 - 10, rue des Allumettes 13098 Aix-en-Provence cedex 2 - 04 42 26 81 82
